La Roulotte de Casimir

A la croisée des chemins

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L’ami Kevine a la sole percée. Un clou de rue dit-on. Il boite. Hors service. Rien de grave cependant. Juste du temps. Quelques semaines tout au plus et ce sera réparé. Ayant passés de l’état de ne pas savoir à celui de savoir que non, nous ne souffrons d’aucun conflit entre les opposés. De pieds nus, voilà l’animal ferré mais après deux étapes, rien n’y fera, sauf un bon repos. Aller de l’avant mais ne pas aller plus loin. La magie de l’unité fait son œuvre et vient réparer l’ennui causé au cheval.

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Un lieu de bon gens s’est présenté. Un endroit où se poser, un coin de franchissement des bornes. C’est un havre où s’arrêter. Nous prendrons du coup le temps de définir le mode de nos pas sans souci. Perché sur les crêtes, le lieu en question offre des préméditations à la rêverie. Ce sera un lieu d’attente des jours divers meilleurs. Pas celui prévu dans le Languedoc mais ce n’est rien. Là où nous sommes, il y a le contrepoids de l’espérance. C’est un rendez-vous de nomades immobiles et des pensifs insoumis.

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Le clapotis de nos idées vagues et de nos latitudes rêveuses viendront y faire le point. C’est le lieu des révélations, des apparitions et des bonnes nouvelles. Le lieu provocateur de pause et de réflexion, de résidence, de rencontre et d’étude en vue d’un diplôme de cocher professionnel. Les chevaux sont aux petits soins.

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Toutes les commodités nous sont offertes en plus de l’amitié. La vie est comme cela. Remplie d’imprévus. Ces imprévus, ce sont des réveils journées. On nous enlèverait ceci pour instaurer de la sécurité, voilà que nous nous endormirions jusqu’à oublier que l’on s’ennuie et même pire, ne plus s’ennuyer d’oublier. Il n’est finalement pas nécessaire d’aller très loin pour vivre la présence de l’instant où l’on est. Il n’est pas nécessaire d’aller sur les routes du monde mais de bien vivre sur le monde des routes.

Le moment est donc venu de faire le point de la croisée des chemins arpentés depuis septembre. C’est le moment de se souvenir des rencontres, de ressentir le prodigieux élan de l’humanité en tirant comme le fil de soie, le fil de toute l’histoire des pensées et des dialogues au royaume de l’aventure et de l’événementiel.

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C’est le moment important de la vie collective afin d’y opérer des divinations tel des adeptes de la transcription. Nous tentons l’interprétation, l’analogie, pour de nouvelles routes à ouvrir. Dans notre mémoire cible, nous avons saisi la couleur, la fantaisie, l’horlogerie des esprits, le concret subjectif, les théories hasardeuses, les mots sac à viande, les jeux de durcissements idéologiques, les phrases alchimiques, les directives psychédéliques de la réflexion humaine, les architectures de la raison, les grenouilles derrière des tasses à café, les médiumnités, la drogue des histoires vraies, la pratique des guerres courtoises, des guerres romantiques, des guerres de fous, la pratique des guerres de désir et de connaissance, la spontanéité "ab", les mondes utopiques et les royaumes théoriques, les jusants de la joie et l’univers des inconscients, les abstractions du bon sens et les chemins de la poésie, les connotations érotiques, Éros, Thanatos, le pouvoir suggestif des lunes, la violence des amours imprégnée de chaînes et de baisers, les déserteurs de l’intérieur. Nous avons admiré la mosaïque de l’humanité.

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Le flux mystérieux des réflexions du monde se traduit par un verbiage presque indescriptible. Une marée entière nous submerge. Ce sont par des mots cosmopolites et directifs que notre esprit est noyé ; par une kyrielle de mots règne, de mots larme, de mots ressac, de mots mouche, de mots graine, de mots animaux, de mots morts, de mots qui mordent, de mots qui touchent, de mots ring, de mots à la menthe ou de mots grenadine, de mots maquillés, de mots fleurs, de mot granit, de mots spectre, de mots d’aile, de mots lutte, de mots tort, de mots raide ou de mots graisse, de mots mère et de mots graine. Les phrases mobiles crépitent, virevoltent tandis qu’elles sont décryptées. Il s’agit de conjuguer, dans l’élaboration d’une union entre les forces pensives, les vérités communes dans l’empire de la vie qui passe, dans l’analyse et le connaître. C’est la grande dictée de l’humanité.

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Nous nous remémorons les bords de vies et les maîtrises sociale, les sourires de philosophes énigmatiques, les regards dubitatifs avec du rêve glissé dans les coins. Nous nous souvenons des regards clairs procédant des tendres, des multiples traductions individuelles. C’est le moment de penser à Toi, Toi, le long de la route, Toi, le musicien, Toi, le voyageur, Toi, l’ami pour toujours, Toi, le déçu ou le désenchanté, Toi, le secret, Toi le fragile et Toi, le fort, Toi, l’enfant et Toi, l’ancien, Toi, l’utopiste, Toi, le nomade, Toi, le prudent, Toi, le tolérant, Toi, l’insatisfait, Toi, le sincère et Toi, le malin, Toi, le gai, Toi, le sage, Toi, le rêveur et Toi, le fou. Tant de « Toi » distingués pour le service du savoir et pour nous avoir réveillés de nos sommeils paradoxaux, de nos sommeils de palais tordus, de nos sommeils de festins insatisfaits. C’est le temps de penser vous tous, les visages aimés, les visages striés de lignes de conduite comme des œuvres d’art de tout ce qui affleure l’esprit et le cœur à la surface de la peau. Les visages tendus de soleil, les plis courtois de l’accueil, les lignes de la fraternité que rehaussent de larges sourires, les traces des amitiés fortes. Le temps est venu de revoir l’expérience peinte par la diction de la nature sensible et de saisir l’invariabilité de ses enchaînements. L’heure de repenser l’exquise précision de ce qui s’est dit donc de ce qui se pense et, enfin, relire la belle écriture de l’humanité, vous en faire part au cours de ces écrits.

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Et nous n’aurons besoin de rien de plus que tout le franc-pensé récolté à la croisée des chemins. Rien d’autre que les réflexions, les rires et les voix devenues nourritures pour notre esprit. Allons, on se dépêche, on s’arrête, on fantasme, on compte, on croit, on s’aime, on s’élève, encore, encore et encore ! Y aller. Renoncer. Vivre mieux. Le tenter. Rentrer chez soi, ou bien en partir. Errer loin de soi, errer sans chez soi. Travailler. Perdre du temps. Tenter l’or. Essayer le jeu, celui de l’argent, le je, celui de soi. Penser à la vie comme on passe à travers. C’est le monde en continuel élan ; celui pondéré des royaumes estimables, des élargissements sans borne ou invalides, des passés sapés de patience ou des jours collés à la lenteur des choses,là où se cherchent les révoltes justicières, le délicieux cocktail du plaisir à vivre, le désir de voir loin, la vitesse et la sensualité, les horizons profilés sans nulle ombre autour. Tout semble se parachever en une unité parfaite, selon deux natures, d’une réflexion binaire, pour le triple principe, voir peut-être l’union des quatre éléments. La tentation est grande de s’évader de l’antinomie des conditions humaines, trouver une quintessence redoublée, une cohérence entre les genres. Il s’agit dès lors de dénuder ces paroles emmagasinées, la dialectique jetés aux vents des mots, distillés par le grimoire de l’existence. Nous aurons donc compté toutes les joies et les misères, les turpitudes et la simplicité, les départs fracassants et les grands élans qui ne se voient pas. Tout s’est mélangé et s’est uni, tout s’est contredit et solidarisé encore dans le grand bain de l’existence. Le métissage du général et du particulier, des partis séculiers et des folies gouvernantes, des arcanes de la peur et des recettes sereines, du mystère et de l’ambiguïté, de l’allégorie et de la charade, du charme et des solitudes sont les pensées de l’humanité dont nous cueillons les fruits.

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